Extrait du Collectif PAPERA
Date de mise en ligne : samedi 25 octobre 2008
Copyright © Collectif PAPERAhttp://www.collectif-papera.org/IMG/article_PDF/article_126.pdfLe Conseil Scientifique du CNRS désavoue le projet de chaires CNRS/UniversitéLe Conseil Scientifique (CS) du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) vient de confirmer, lors de sa réunion des 20 et 21 octobre, l'appréciation de la Conférence des Présidents de Section du Comité National (CPCN) clairement contraire à l'annonce de Valérie Pécresse concernant la création de 130 postes de maîtres de conférences, au sein de « chaires mixtes universités - organismes de recherche », pour « les jeunes chercheurs les plus prometteurs ». Il ne s'agit pas en réalité de créations de postes, mais d'une manière voilée de faire passer une nouvelle mise en cause des structures des organismes publics de recherche.
Les « 130 postes de maîtres de conférences » dont il est question ne seraient pas des postes nouveaux, mais des affectations temporaires pour des agents déjà embauchés qui pourraient éventuellement être remplacés provisoirement par des précaires dans leurs fonctions d'origine. L'opération servirait de prétexte à la création des « chaires mixtes universités - organismes de recherche », véritable objectif du Ministère de tutelle.
Dans une brève motion du 8 octobre adoptée à l'unanimité, la CPCN avait estimé que « la mise en place des chaires CNRS/Université entame un processus qui entraîne mécaniquement l’extinction du corps des chercheurs scientifiques au CNRS ». C'est l'évidence même, que le Conseil Scientifique réuni cette semaine ne pouvait que réaffirmer. Le 8 octobre, la CPCN avait déclaré également :
« Après entrevue avec le Directeur Général du CNRS Arnold Migus, la CPCN tient à affirmer avec force que l’affichage gouvernemental d’un objectif ambitieux pour l’avenir de la recherche française, est incompatible avec la diminution prévue de l’ordre de 25%, du nombre de postes de chercheurs CNRS ouverts au concours 2009 comparé à celui de l’année 2008 ». (fin de citation)
Une motion qui s'accorde avec les appréciations (notamment d'Albert Fert) rapportées dans notre article du 5 octobre, et qui converge également avec le communiqué récent des présidents des Conseils Scientifiques des Départements (CSD) du CNRS (voir notre article du 10 octobre).
L'annonce de ces 130 créations de postes temporaires de maîtres de conférences d'une durée de cinq ans, ouverts à « des jeunes docteurs, maîtres de conférences ou chargés de recherche déjà en poste demandant une mutation », occulte la réalité globale d'une très sérieuse diminution des créations de postes statutaires de chercheurs.
— Elle empiète également sur les procédures statutaires normales en matière de mutation, de détachement et de mise en disponibilité.
— Enfin, elle comporte tacitement la mise en place d'une nouvelle structure dans la recherche et l'enseignement supérieur, au détriment du CNRS et au bénéfice de coupoles universitaires directement liées au secteur privé.
En toile de fond, une manière déguisée de transformer des postes titulaires en contrats de durée déterminée et de miner le statut des EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique), mais aussi de permettre à des « élites » universitaires proches du gouvernement de développer encore davantage la précarité des enseignants-chercheurs. Quant à la notion de « jeunes chercheurs les plus prometteurs », elle nous apparaît très démagogique. S'agit-il d'autre chose que de permettre à quelques « personnalités » influentes de placer leurs protégés ? A quand un budget global conforme aux besoins de la recherche et de l'enseignement supérieur, un nombre suffisant de créations de postes et des conditions de travail satisfaisantes pour tous ?
Il nous semble y avoir une claire contradiction entre les promesses gouvernementales concernant les moyens de la recherche, et cette politique qui vise clairement à renforcer le pouvoir et l'immunité de cercles restreints au détriment de l'ensemble de la recherche publique.
Malgré le désaveu cinglant que la crise économique actuelle comporte pour le schéma économique, social et « gestionnaire » qui sert de base à son projet de « réforme de la recherche », Valérie Pécresse semble persister à vouloir imposer coûte que coûte le même schéma.
Ajoutons, sans vouloir polémiquer, que l'actuelle ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche est loin de prêcher avec l'exemple lorsque, à l'instar de Nicolas Sarkozy, elle fait campagne contre le statut de fonctionnaires des travailleurs de ce secteur du service public. Valérie Pécresse est membre du Conseil d'État : sans doute, l'emploi de fonctionnaire le plus haut placé et le plus stable de l'actuel tissu institutionnel français. Elle se trouve actuellement « dans la position de détachement (…) afin d'exercer les fonctions de ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche » [Arrêté du 15 juin 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d'Etat)].
Post-scriptum :
voir aussi :
— Contre-expertise au quotidien des déclarations et des chiffres du débat public
http://www.collectif-papera.org/spip.php?article122 (qui reprend l’article du Libération que je vous ai déjà posté)
— Mise en concurence entre titulaires par une carotte financière Des primes pour valoriser les personnels de l’université
http://www.collectif-papera.org/spip.php?article112— A propos de la réforme des concours de recrutement des professeurs
http://www.collectif-papera.org/spip.php?article107— Précarité, Elistisme, ANR, … Interview de Pécresse : « Mettre fin à la fuite des cerveaux »
http://www.collectif-papera.org/spip.php?article105