Article paru dans Le Monde
http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/11/26/la-chine-veut-former-des-ingenieurs-plus-creatifs_1123278_3244.html#ens_id=1123374
La Chine veut former des ingénieurs plus "créatifs"Former des scientifiques en nombre ne suffit pas. La Chine, qui - poids démographique oblige - détient le réservoir le plus important d'étudiants en sciences, est gagnée elle aussi par la nécessité de revoir les modalités de son enseignement scientifique.
"Nous devons devenir plus créatifs", assure Mme Wei Yu, ancienne vice-ministre chinoise de l'éducation, chargée d'une rénovation planifiée jusqu'en 2020 qui vise à "changer les habitudes" ancestrales d'un système basé sur l'hyper-sélectivité et le bachotage à outrance. En s'inspirant de l'approche "learning by doing" importée des Etats-Unis et popularisé en France sous le nom de "La main à la pâte", les programmes scolaires ont été réécrits. Les professeurs ont commencé à être formés et 200 000 écoliers environ suivent un projet pilote.
En terme de niveau, les universités scientifiques chinoises n'ont rien à envier aux européennes ou aux américaines. Baignant dans une compétition féroce, tant sur le plan du recrutement des étudiants et des professeurs que sur celui du financement (variable, selon un classement national), les grandes facultés scientifiques et technologiques que sont Beida, Tsinghua ou Beihang ne risquent pas d'être détrônées de sitôt par celles de sciences humaines... Mais cette compétition à outrance, cumulée à une faible tradition d'innovation, constitue un obstacle à la compétitivité auquel les autorités chinoises semblent vouloir s'atteler.
Installée depuis 2005 à Pékin, l'expérience de l'Ecole centrale témoigne des limites du système chinois : des étudiants excellents auxquels il a fallu apprendre à "travailler avec leur cerveau", explique Marc Zolver, directeur adjoint des affaires internationales. "A l'issue de leurs études, ces jeunes gens sont bourrés de connaissances, mais ils ne sont pas ingénieurs", assure-t-il, expliquant que ces étudiants "n'avaient jamais vu une démonstration de leur vie".
Le résultat est à la hauteur. "Les professeurs de classes préparations de Louis-Le-Grand qui enseignent actuellement à Pékin m'ont assuré qu'au moins deux ou trois étudiants de la promotion pourraient devenir majors de l'X", raconte encore Marc Zolver, qui indique en revanche avoir mis deux ans à "détecter des professeurs chinois" qui acceptent de changer leurs méthodes.
Qualitative et de longue haleine, la rénovation des enseignements scientifiques vise aussi indirectement à maintenir l'attrait des universités scientifiques (d'où sont issus tous les dirigeants chinois, Hu Jintao en tête) dans un pays où, comme le dit Mme Wei Yu "les sciences sont très dures" et "le business attire".
Brigitte Perucca