Article paru dans Libération
http://www.liberation.fr/societe/0101164994-des-primes-pour-recompenser-l-excellence-scientifique«Des primes pour récompenser l’excellence scientifique»Interview : Valérie Pécresse revient sur la rémunération des chercheurs et enseignants
Recueilli par SYLVESTRE HUET
Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche détaille pour Libération le «plan carrières» qu’elle a dévoilé la semaine dernière.
Vous venez de présenter un plan pour les carrières des universitaires et des chercheurs, quelles en sont les mesures phares ?Notre première idée consiste à passer d’une gestion uniforme des ressources humaines, par des mesures indiciaires, à une vision plus individualisée qui tient compte de l’engagement professionnel des personnels. D’où notre décision de dégager une enveloppe de primes en forte croissance, comme celles destinées à récompenser l’excellence scientifique des chercheurs ou l’excellence pédagogique des enseignants du supérieur - les deux étant identiques en leurs montants, signe de l’égale dignité des deux activités à nos yeux. Le montant des primes pourra ainsi aller jusqu’à 15 000 euros par an, avec un plancher à 3 500 euros. Nous avons tenu aussi à ce que des récipiendaires de distinctions scientifiques nationales ou internationales puissent bénéficier de cette prime d’un montant supérieur. Il faut prendre conscience de la compétition internationale pour attirer les meilleurs qui se traduit par une certaine surenchère salariale. Enfin, nous avons voulu aussi signifier l’importance des fonctions d’encadrement, avec la prime de charge administrative des présidents d’universités qui passera de 18 000 à 25 000 euros et même 40 000 pour les plus importantes dans le cadre de la mise en œuvre de leur autonomie.
Vous mettez votre plan sous le signe de l’attractivité de ces carrières, comment cela se traduit-il ?La deuxième idée de ce plan relève de la nécessité d’attirer et de garder les meilleurs pour l’enseignement supérieur et la recherche. En agissant sur trois périodes : le recrutement, la promotion aux grades supérieurs et la fin de carrière. Pour le recrutement, nous avons décidé d’intégrer les années de thèse et de post-doctorat dans la carrière ce qui entraîne mécaniquement une embauche à des salaires plus élevés comme maître de conférences, avec des hausses de 241 à 510 euros brut par mois par rapport à la situation actuelle. Nous alignons ainsi les jeunes universitaires sur les conditions accordées aux jeunes chercheurs. Ensuite, nous allons augmenter la proportion de postes de directeurs de recherche et de professeurs relativement à ceux de chargés de recherche et de maîtres de conférences, ce qui permettra d’augmenter les taux d’encadrement et de promotions internes. Nous augmenterons aussi les taux de promotion de 10 % pour le passage à la hors-classe des maîtres de conférences, ce taux passera à 15 % en 2009 et 20 % en 2011. Enfin, le nombre de «classes exceptionnelles» sera aussi augmenté.
Vous voulez récompenser le mérite, mais comment le mesurer et par qui ?Toute cette politique repose sur une évaluation des enseignants chercheurs et des chercheurs qui est collégiale, faite par les pairs et indépendante. Nous mettons en place un nouveau dispositif d’autoévaluation par un dossier qui sera proposé par l’universitaire à son université qui fera aussi sa propre évaluation.
La conférence des présidents d’université doit se saisir de cette question pour mettre en place des guides de bonnes pratiques. Il y aura cette phase d’évaluation interne qui doit intégrer l’avis des étudiants quant au volet enseignement. Et pour garantir l’impartialité, le comité national des universités réalisera une évaluation globale.
L’affaire de l’Institut Universitaire de France (le jury a protesté contre le manque de transparence des nominations à l’IUF, lire ci-contre) ne jette-t-elle pas une ombre sur cette évaluation ?Non, j’ai souhaité augmenter de 25 % la promotion de l’IUF en intégrant tous les candidats retenus par les sous-jurys en attendant la réforme qui en 2009 me permettra de doubler les effectifs de l’IUF. L’an prochain, leur statut sera amélioré avec le versement d’une somme de 10 000 euros annuels. L’Institut ne doit plus être un service du ministère. Son accès doit se faire sur concours national. Il y avait un vide juridique sur les listes complémentaires, nous ne manquerons pas de prévoir la présence de telles listes dans le fonctionnement du jury.
L’IUF doit être dans le prolongement des chaires mixtes université-organisme de recherche, au nombre de 130 pour 2009, qui permettent de recruter des jeunes très prometteurs pour l’université mais en leur donnant le temps et les moyens de leur recherche en début de carrière. L’Etat va désormais compenser aux universités la perte d’heures d’enseignement que représente la décharge de service de ces chaires.