Article paru dans Science et Avenir du 20/10/2008
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/homme_et_societe/20081020.OBS6832/budgMalgré une hausse globale du budget 2009 de la recherche et de l'enseignement supérieur, les chercheurs ne sont pas tous satisfaits. La diminution des effectifs, ainsi que des financements jugés insuffisants ont conduit les enseignants-chercheurs à manifester à Paris dimanche 19 octobre (avec les personnels de l'Education nationale) et lundi 20 octobre au siège du CNRS et dans ses délégations régionales. En outre, dans la foulée de l'université d'automne du mouvement Sauvons la recherche, un "moratoire des expertises" a été lancé à destination des Agences de financement (ANR) et d'évaluation (AERES). Ces expertises désignent les nombreux rapports demandés aux chercheurs pour prendre leurs décisions. L'initiative "vise à entraver une politique néfaste qui se met en place dans des structures au fonctionnement contestable", selon SLR.
Retour sur les raisons de ces protestations contre le budget, les emplois et les réformes structurelles.
Le budget:Officiellement, le budget de la mission "recherche et enseignement supérieur" est en augmentation pour 2009. "Un effort historique", selon le ministère. Avec 1.8 milliard d'euros supplémentaires par rapport à 2007 (sur un total de 27.6 milliards), la hausse est de 6.5 %. Plus précisément, 800 millions iront à la recherche et un milliard à l'enseignement supérieur. Cela est (presque) conforme aux promesses de campagne et d'avant campagne mais restera insuffisant pour atteindre en 2010 un effort représentant 3% du PIB, cible visée par les pays européens.
Mais c’est surtout au niveau des laboratoires que le compte n'y est pas et que les budgets risquent de stagner, voire de diminuer ! La hausse comprend en effet une part fiscale qui représente une baisse d'impôts (pour les entreprises effectuant de la RetD) plutôt qu'une véritable dépense. Ainsi, 71% de l'effort supplémentaire pour la recherche concerne ce crédit impôt -recherche.
Une partie de la hausse budgétaire est par ailleurs absorbée par des mesures de compensation de l’augmentation des cotisations retraite.
Finalement, pour un établissement comme le CNRS, le financement public augmentera de 4.8%. Mais compte tenu de l'inflation et des engagements du CNRS dans différents projets pluriannuels (comme sa participation aux contrats Etats-Régions, aux Réseaux Thématiques de Recherches Avancées...), il ne restera plus grand chose dans les laboratoires qui s'attendent même à des baisses.
L'autre canal de financement, l'Agence national de la recherche (ANR), ne leur sera pas d'un grand secours non plus puisque ses capacités d'engagement n'augmentent pas vraiment, restant inférieur à un milliard d'euros.
L'horizon est moins sombre pour l'université avec une augmentation de la dépense par étudiants vers 8500 euros en moyenne (mais toujours environ 5% en dessous de la moyenne des pays de l'Ocde). L'opération campus, lancée avant l'été, permettra de moderniser les bâtiments à hauteur de cinq milliards d'euros sur plusieurs années et pour les heureuses universités élues.
L'emploiPour la première fois, des emplois seront supprimés dans le système d'enseignement et de recherche. 900 postes sont concernés. Ni enseignants, ni chercheurs mais des ingénieurs, techniciens ou administratifs ainsi que des allocations de recherche pour les étudiants en thèse. Pour mieux faire passer cette coupe, le ministère revalorisera les carrières de ses personnels. Une enveloppe de 252 millions d'euros sur 3 ans est prévue pour des augmentations de salaires, des primes et des moyens exceptionnels.
Plus précisément, le doctorat deviendra un contrat professionnel comme un autre. Du coup, ces trois ans de thèse seront reconnus comme ancienneté professionnelle et contribueront à augmenter la rémunération des nouveaux enseignants chercheurs (de 12 à 25% selon le ministère).
En outre, pour 130 de ces recrues, des postes spéciaux seront créés, les déchargeant d'une partie de leur enseignement et leur apportant une prime annuelle de 6.000 à 15.000 euros et une dotation de 50.000 à 100.000 euros pour cinq ans. Mais, selon le syndicat SNTRS, ces postes seront pris en partie sur ceux du CNRS...
(correspondent à priori aux Chaires annoncées par Mme Pécresse)Enfin, l'ANR lancera un programme d'aide au retour des jeunes chercheurs français en post-doc à l'étranger : 700 000 euros sur trois ans au maximum.
Le Snesup (syndicat majoritaire de l'enseignement supérieur) s'inquiète des inégalités que ces primes et soutiens personnalisés créeront entre les personnels.
Les réformes de structures:Depuis le printemps, le ministère tente d'imposer ses vues au principal organisme de recherche, le CNRS. Sans prévenir, et par voie de presse, il avait décidé de transformer l'organisme en différents instituts thématiques autonomes dont les directions seraient nommées par lui. Devant l'opposition, la ministre a fait machine arrière. Mais à la rentrée, une commission mixte entre le CNRS et la Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation du ministère a été mise sur pieds pour remettre cette réforme sur le tapis, avec en particuliers la création d'instituts.
Au-delà du fond, la manière témoigne qu'au moment où les universités accèdent à l'autonomie, le CNRS perd la sienne.
Les universités sont également en plein chambardement pour mettre en musique les prérogatives d'autonomie que la loi LRU (relative aux libertés et responsabilités des universités) leur a accordées à l'été 2007 : recrutement direct et plus souple d'enseignants, mise en place des nouveaux cursus de recrutement des enseignants du primaire et du secondaire, gestion du parc immobilier... Il est aussi prévu d'importants changements dans ce qu'il est appelé les unités mixtes de recherche, des laboratoires gérés par les universités et d'autres organismes de recherche (CNRS, Inserm, CEA, etc). Il ne devrait rapidement rester qu'une seule tutelle : cela simplifiera la gestion administrative des unités mais fragiliser l’avenir de certaines.
Le ministère maintient en outre son objectif de compétitivité : deux établissements parmi les 20 meilleurs et dix parmi les cents.
David Larousserie