Article paru dans Les Echos
http://www.lesechos.fr/info/france/4826321-universite-appel-a-la-greve.htmUniversité : appel à la grèveLes enseignants-chercheurs, réunis hier en coordination nationale, ont appelé à une grève « illimitée » pour protester contre la réforme de leur statut. Deux manifestations sont prévues, les 5 et 10 février.Une flopée de tribunes dans la presse, des assemblées générales (AG) plus fournies et une grève qui fait lentement tache d'huile dans les universités : la colère inédite des enseignants-chercheurs est encore montée d'un cran ces jours-ci. Le ministère juge le mouvement encore « sporadique ». Mais la FSU évoquait hier 45 % de cours affectés.
Réunie à la Sorbonne, la Coordination nationale des universités, réunissant des représentants de 80 % des campus, a appelé hier soir à deux journées de manifestations, les 5 et 10 février, ainsi qu'à une grève « illimitée ». Elle demande le retrait de la réforme du statut des enseignants-chercheurs. Requête à laquelle le Premier ministre, François Fillon, avait adressé une fin de non-recevoir un peu plus tôt dans la journée : « Il faut que la réforme du statut des enseignants-chercheurs voie le jour », a-t-il affirmé dans « Le Monde ».
Conscients que le sujet, aussi fédérateur soit-il chez les 60.000 enseignants-chercheurs, rallie peu au-delà, les organisations ont élargi leur plate-forme. Car les sujets de mécontentement ne manquent pas : la réforme de la formation des enseignants inquiète les étudiants, celle du CNRS irrite les chercheurs - remontés après le récent discours de Nicolas Sarkozy - et les 900 suppressions de postes du budget 2009 alarment jusqu'aux très réformistes présidents d'université.
Les chercheurs pourraient recevoir la semaine prochaine le soutien des étudiants, qui étaient hier, selon l'Unef, 20.000 à s'être réunis en AG. Enfin, Valérie Pécresse s'efforce de déminer le terrain à grand renfort de tribunes rassurantes et de rencontres syndicales. Tour d'horizon des sujets sensibles.
La réforme du statut des enseignants-chercheursLe nouveau texte prévoit que les présidents d'université géreront davantage la carrière de leurs enseignants-chercheurs : modulation du temps de service (répartition entre recherche et enseignement), gestion des promotions...
Les contestataires redoutent à la fois de perdre leur indépendance et de devoir enseigner plus que les règles actuelles ne les y contraignent (192 heures par an de TD, 128 heures de cours magistraux), du fait des suppressions de postes. Ils sont très remontés en droit (où les activités annexes, comme les consultations, sont légion).
Valérie Pécresse a consenti deux nouveaux gestes : les professeurs « bien évalués » (ils le seront désormais tous les quatre ans) ne pourront être forcés à enseigner davantage. Elle a aussi redonné du poids au Conseil national des universités (CNU), instance d'enseignants dans laquelle les syndicats et les disciplines pèsent lourd.
Initialement dépossédé de ses prérogatives s'agissant des promotions, le CNU s'est vu confier vendredi le soin d'élaborer une liste des meilleurs professeurs, dans laquelle les présidents d'université devront piocher pour attribuer 50 % des promotions. Une mesure jugée satisfaisante par certains professeurs de droit, mais « insignifiante » par le SNESup. « C'est la philosophie du texte qui nous déplaît. Il faut le retirer complètement », explique son secrétaire général, Jean Fabbri.
Les masters d'enseignementSelon le SNESup-FSU, 72 des 84 universités ont voté une motion s'opposant à la réforme de la formation des enseignants. Le texte prévoit que les concours de professeurs (agrégation, Capes), allégés dans leur contenu, ne se préparent plus au sein des IUFM, mais dans des nouveaux masters d'enseignement (bac + 5). Et ce, dès 2010. Un délai jugé trop court par les universités, censées élaborer des « maquettes » de formation. Les étudiants s'alarment de la baisse des postes ouverts au concours (- 15 % selon l'Unef).
La question financièreLe ministère de l'Enseignement supérieur a, certes, alloué davantage de moyens aux universités mais, désireux de cibler son rattrapage, s'est montré d'une générosité inégale. La réforme du financement, largement assujetti à des critères de « performance », rajoute à l'inquiétude.
Même topo s'agissant des postes : certaines universités en perdront six, d'autres presque aucun. Un signal que Sauvons la recherche (SLR) juge très négatif en direction des jeunes doctorants. « Le nombre de docteurs devrait baisser de 30 % en 2017 », s'inquiète la présidente de SLR, Isabelle This Saint-Jean.
L. A.